jueves, 13 de febrero de 2014

le cabro de moussu Seguin

"L’histoire que tu as entendue n’est pas un conte de mon invention. Si jamais tu viens en Provence, nos ménagers te parleront souvent de la cabro de moussu Seguin, que se battégue touto la neui emé lou loup, e piei lou matin lou loup la mangé1. Tu m’entends bien, Gringoire : E piei lou matin lou loup la mangé."


Tu seras bien toujours le même, mon pauvre Gringoire ! Comment ! on t’offre une place de chroniqueur dans un bon journal de Paris, et tu as l’aplomb de refuser... Mais regarde-toi, malheureux garçon ! Regarde ce pourpoint troué, ces chausses en déroute, cette face maigre qui crie la faim. Voilà pourtant où t’a conduit la passion des belles rimes ! Voilà ce que t’ont valu dix ans de loyaux services dans les pages du sire Apollo... Est-ce que tu n’as pas honte, à la fin ? Fais-toi donc chroniqueur, imbécile ! fais- toi chroniqueur ! Tu gagneras de beaux écus à la rose, tu auras ton couvert chez Brébant*, et tu pourras te montrer les jours de première avec une plume neuve à ta barrette... Non ? Tu ne veux pas ?... Tu prétends rester libre à ta guise jusqu’au bout... Eh bien, écoute un peu l’histoire de la chèvre de M. Seguin. Tu verras ce que l’on gagne à vouloir vivre libre.

 M. Seguin n’avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres.

Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s’en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C’était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.

Le brave M. Seguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait :

— Les chèvres s’ennuient chez moi, je n’en garderai pas une.

Cependant il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième ; seulement, cette fois, il eut soin de la prendre toute jeune, pour qu’elle s’habituât mieux à demeurer chez lui.

Ah ! qu’elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin ! qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa petite barbe, ses sabots noirs et luisants, ses petites cornes et ses longs poils blancs !  et puis, elle était docile, elle se laissait traire sans bouger. Un amour de petite chèvre...

M. Seguin mit sa nouvelle chèvre derrière sa maison, dans un clos entouré d'aubépine. Il l’attacha à un pieu, au plus bel endroit du pré, en ayant soin de lui laisser beaucoup de corde, et de temps en temps il venait voir si elle était bien. La chèvre se trouvait très heureuse et broutait l’herbe de si bon cœur que M. Seguin était ravi.

— Enfin, pensait le pauvre homme, en voilà une qui ne s’ennuiera pas chez moi !

M. Seguin se trompait, sa chèvre s’ennuya.

Un jour, elle se dit en regardant la montagne :

— Comme on doit être bien là-haut ! Quel plaisir de gambader dans la bruyère, sans cette maudite corde qui vous écorche le cou !... C’est bon pour l’âne ou pour le bœuf de brouter dans un clos !... Les chèvres, il leur faut du large.

À partir de ce moment, l’herbe du clos parut bien fade à la petite chèvre de Monsieur Seguin. Puis, elle s'ennuya. Elle maigrit et son lait se fit rare. Toute la journée, elle tirait sur sa corde, la tête tournée du côté de la montagne, en faisant Mê !... tristement.

M. Seguin s’apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c’était... Un matin, la chèvre lui dit  :

— Écoutez, monsieur Seguin, je m'ennuie chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.

— Ah ! mon Dieu !... Elle aussi ! cria M. Seguin stupéfait, et il lui dit :

— Comment Blanquette, tu veux me quitter !

Et Blanquette répondit :

— Oui, monsieur Seguin.

— Est-ce que l’herbe te manque ici ?

— Oh ! non ! monsieur Seguin.

— Ta corde est peut-être trop courte, veux-tu que je l'allonge ?

— Ce n’est pas la peine, monsieur Seguin.

— Alors, qu’est-ce qu’il te faut ! qu’est-ce que tu veux ?

— Je veux aller dans la montagne, monsieur Seguin.

— Mais, malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup dans la montagne... Que feras-tu quand il viendra ?...

— Je lui donnerai des coups de corne, monsieur Seguin.

— Le loup se moque bien de tes cornes. Il m’a mangé des chèvres avec des cornes bien plus grandes que les tiennes... Tu sais bien, la pauvre vieille Renaude qui était ici l’an dernier ? une chèvre, forte et méchante comme un bouc. Elle s’est battue avec le loup toute la nuit... puis, le matin, le loup l’a mangée.

— Pauvre Renaude !... Ça ne fait rien, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne.

— Mais ce n'est pas vrai !... dit M. Seguin ; mais qu’est-ce qu’on leur fait donc à mes chèvres ? Encore une que le loup va me manger... Eh bien, non... je te sauverai malgré toi !  je vais t’enfermer dans l’étable, et tu y resteras toujours.

Là-dessus, M. Seguin emporta la chèvre dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. Malheureusement, il avait oublié la fenêtre, et à peine eut-il le dos tourné, que la petite s’en alla...

La petite chèvre était heureuse. Plus de corde, plus de pieu... rien qui l’empêchât de gambader, de brouter comme elle voulait... et de l’herbe, il y en avait jusque par-dessus ses cornes !... Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, faite de mille plantes... C’était bien autre chose que le gazon du clos. Et les fleurs !... des bleues, des rouges, il y en avait partout.

La petite chèvre n'avait peur de rien.  Elle franchissait d’un saut de grands torrents qui l’éclaboussaient au passage. Alors, toute ruisselante, elle allait s’étendre sur une roche plate et se faisait sécher par le soleil... Une fois, s’avançant au bord d’un plateau, elle aperçu en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de M. Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes.

— Que c’est petit ! dit-elle ; comment ai-je pu tenir là dedans ?

Pauvre petite chèvre ! de se voir si haut perchée, elle se croyait au moins aussi grande que le monde...

En somme, ce fut une bonne journée pour la chèvre de M. Seguin.

Tout à coup le vent devint plus frais. La montagne devint violette ; c’était le soir...

— Déjà ! dit la petite chèvre ; et elle s’arrêta fort étonnée.

En bas, les champs étaient dans la brume. Le clos de M. Seguin disparaissait dans le brouillard, et de la maisonnette on ne voyait plus que le toit avec un peu de fumée. Elle écouta les clochettes d’un troupeau qu’on ramenait, et se sentit toute triste... Elle tressaillit... puis ce fut un hurlement dans la montagne :

— Hou ! hou !

Elle pensa au loup ; de tout le jour la folle n’y avait pas pensé... Au même moment une trompe sonna bien loin dans la vallée. C’était ce bon M. Seguin qui tentait un dernier effort.

— Hou ! hou !... faisait le loup.

— Reviens ! reviens !... criait la trompe.

La petite chèvre eut envie de revenir ; mais en se rappelant le pieu, la corde, la haie du clos, elle pensa que maintenant elle ne pouvait plus se faire à cette vie, et qu’il valait mieux rester.

La trompe ne sonnait plus...

La chèvre entendit derrière elle un bruit de feuilles. Elle se retourna et vit dans l’ombre deux oreilles courtes, toutes droites, avec deux yeux qui reluisaient... C’était le loup.

Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite chèvre blanche et la dégustant par avance. Comme il savait bien qu’il la mangerait, le loup ne se pressait pas ; seulement, quand elle se retourna, il se mit à rire méchamment.

— Ha ! ha ! la petite chèvre de M. Seguin ! et il passa sa grosse langue rouge sur ses babines.

La petite chèvre se sentit perdue... Un moment en se rappelant l’histoire de la vieille Renaude, qui s’était battue toute la nuit pour être mangée le matin, elle se dit qu’il vaudrait peut-être mieux se laisser manger tout de suite ; puis, s’étant ravisée, elle tomba en garde, la tête basse et les cornes en avant. Non pas qu’elle eût l’espoir de tuer le loup, — les chèvres ne tuent pas les loups, — mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps que la Renaude…

Alors le monstre s’avança...

Ah ! la brave chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d’une minute, la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine... Cela dura toute la nuit. De temps en temps la chèvre de M. Seguin regardait les étoiles danser dans le ciel clair, et elle se disait :

— Oh ! pourvu que je tienne jusqu’à l’aube...

L’une après l’autre, les étoiles s’éteignirent. la petite chèvre redoubla de coups de cornes, le loup de coups de dents… Une lueur pâle parut dans l’horizon… On entendit le chant du coq.

— Enfin ! dit la pauvre bête, qui n’attendait plus que le jour pour mourir ; et elle s’allongea par terre dans sa belle fourrure blanche toute tachée de sang…

Alors le loup se jeta sur la petite chèvre et la mangea.

Adieu, Gringoire ! L’histoire que tu as entendue n’est pas un conte de mon invention. Si jamais tu viens en Provence, nos ménagers* te parleront souvent de la cabro de moussu Seguin, que se battégue touto la neui emé lou loup, e piei lou matin lou loup la mangé1. Tu m’entends bien, Gringoire : E piei lou matin lou loup la mangé.


LA CABRA DE MONSIEUR SEGUIN

LA CABRA DE MONSIEUR SEGUÍN de Alphonse Daudet
(Traducción de J. Andres Luaces Marcado)

A monsieur Pierre Gringoire poeta lírico de Paris

        ¡Nunca cambiarás mi Pobre Gringoire!
        ¡Pero, como, te ofrecen un trabajo de cronista en un afamado periódico de Paris, y tienes la desfachatez  de rechazarlo...Pero  mírate, desgraciado muchacho! Mira ese traje raído, ese calzado en retirada, ese rostro demacrado que clama hambre. ¡He aquí, sin embargo adonde te ha conducido tu pasión por las bonitas rimas! He aquí para que te han servido los diez años de leales servicios en las páginas de sire Apolo...¿Pero es que al fin no sientes vergüenza?
       ¡Hazte ya cronista, imbécil! ¡Hazte ya cronista! Ganaras bonitas monedas a la rosa. Te pondrán los cubiertos en casa de Brebant, y podrás lucirte los días de estreno con una pluma nueva en el birrete.
         ¿No, no quieres?...Pretendes permanecer libre hasta el final...Pues muy bien, escucha la historia de la cabra de monsieur Seguín. Ya  te darás cuenta de lo que ocurre cuando se quiere vivir en libertad.

           Monsieur Seguín nunca había tenido suerte con sus cabras.
          Las perdía  todas de la misma manera: Un buen día rompían sus cuerdas, y tiraban hacia el monte, y allí arriba el lobo se las comía. Ni las caricias de su amo, ni el miedo al lobo, nada las detenía. Al  parecer eran cabras independientes, que deseaban por encima de todo el aire puro y la libertad.
          El bueno de monsieur Seguín que no llegaba a entender el carácter de sus animales, estaba consternado, decía:
        -Se acabó; las cabras se aburren en mi casa, no guardaré a ninguna.
         Sin embargo, no llegó a desanimarse y, después de haber perdido seis cabras de la misma manera, llegó a comprar una séptima; Pero esta vez, se cuidó de escogerla jovencita, para que así se acostumbrara mejor a quedarse en su casa.
         ¡Ah, Gringoire, que bonita era la cabrita de monsieur Seguín! Que bonita era con sus dulces ojos, su barbita de sub-oficial, sus pezuñas negras y relucientes, sus cuernos anillados y su larga melena blanca que le hacía de sobrepelliz. Era casi tan encantadora como el cabrito de Esmeralda, ¿Te acuerdas, Gringoire?- y además era dócil, dejándose acariciar y ordeñar, sin poner la pata en la escudilla. Un encanto de cabrita...
         Monsieur Seguín tenía detrás de su casa un prado rodeado de un seto. Ahí colocó a la nueva pensionista. La ató a una estaca, en el mejor sitio, teniendo cuidado de dejarle mucha cuerda, y de vez en cuando, venía a comprobar si se encontraba bien. La cabra se hallaba muy a gusto y pacía la hierba con tanto gusto que monsieur Seguín era feliz.
     -Por fin decía el pobre hombre, ¡Aquí hay una, que por lo menos no se aburrirá en mi casa!
      Monsieur Seguín se equivocaba, su cabra se aburrió.
  
      Un día, al mirar la montaña, se dijo:- ¡Que bien se tiene que estar ahí arriba. Que alegría de poder retozar en los helechos, sin esta maldita soga que te araña el cuello!...¡Eso está bien para el burro o el buey lo de pacer en un prado!...Las cabras necesitan más espacio.
      Desde ese momento, la hierba del prado le pareció sosa. Se apoderó de ella el aburrimiento. Adelgazó, su leche se hizo rara. Daba pena verla el día entero tirar de su cuerda, la cabeza dirigida hacia el monte, la nariz abierta, gimiendo tristemente ¡Meee!...
         Monsieur Seguín se daba bien cuenta de que a su cabra le pasaba algo, pero no sabía lo que era...una mañana al acabar de ordeñarla, la cabra se volvió y le dijo en su jerga:
      - Oigame, monsieur Seguín, languidezco aquí, dejeme tirar hacia el monte.
     - ¡Ah, Dios mío... ella también! Se exclamó asombrado monsieur Seguín, dejando caer la escudilla por el susto; luego sentándose en la hierba al lado de la cabra:
      -¿Como puede ser, Blanquette, quieres dejarme?     
Y Blanquette contestó:
      -Si, monsieur Seguín.
      -¿Es que te falta hierba aquí?
      -¡Oh! ¡no! Monsieur Seguín.
      - Será porque estas atada demasiado corto ; ¿Acaso quieres que te alargue la cuerda?
      -No vale la pena, monsieur Seguín
      -Luego, que te hace falta, ¿Que es lo que quieres?
      -Quiero tirar hacia el monte, monsieur Seguín
      - Pero, desgraciada, ¿Es que no sabes que está el lobo en el monte?...¿Que harás cuando te lo encuentres?...
        -Le daré con los cuernos monsieur Seguín.
        -El lobo se burla bien de tus cuernos. Me ha comido cabras con muchos mejores cuernos que los tuyos...
       ¿Es que no te acuerdas de la pobre Renaude que estaba aquí el año pasado? Una señora cabra, fuerte y maliciosa como un carnero. Se peleó con el lobo toda la noche...pero, por la mañana el lobo se la comió.
        -¡Carajo, pobre Renaude!... me da igual, monsieur Seguín, dejeme ir al monte.
       -¡Bondad divina!...exclamó monsieur Seguín: ¿Pero que es lo que le hacen a mis cabras? Una mas que el lobo va a comerme...Pues bien, no me da la gana...¡te salvaré aunque tu no lo quieras, granuja! Y porque temo de que rompas la cuerda, te encerraré en el establo, y ahí te quedarás siempre.
          Después de eso, M. Seguín se llevó la cabra en un establo todo oscuro, y cerró la puerta con dos vueltas de llave. Desgraciadamente, se había olvidado de la ventana y apenas se dio la vuelta, la cabrita se fue...
       ¿Te ríes, Gringoire? ¡Claro! Ya lo sé; tu estás del lado de las cabras, tu en contra del bueno de monsieur Seguín...Pero vamos a ver si vas a reírte dentro de un rato.
        Cuando la cabrita blanca llegó al monte todo fue un encanto general. Nunca los viejos abetos habían vista nada tan bonito. Fue acogida como una pequeña reina. Los castaños se inclinaban a tierra para acariciarla con la punta de sus ramas. Las flores doradas se abrían a su paso, y aromaban todo lo que podían. Todo el monte estaba de fiesta.
          Ya te imaginas, Gringoire, ¡lo contenta que estaba nuestra cabra! Había desaparecido la cuerda, la estaca...nada que le impidiera corretear, de pacer a su antojo...Ahí si que había hierba, ¡hasta por encima de los cuernos, querido!...¡y que hierba! Sabrosa, fina, parecía encaje, y compuesta de mil plantas...Que diferencia con el césped del prado. ¡Y luego las flores!...Hermosas campánulas azules, digitales purpúreas de grandes cálices. ¡Todo una selva de flores salvajes rebosantes de sabrosos jugos!...      
          La cabrita blanca, medio borracha, se revolcaba ahí patas arriba rodando por los taludes, mezclada con las hojas muertas y las castañas...y luego se enderezaba de golpe sobre sus patas. ¡Hop!, arrancaba, la cabeza para alante, campo a través, ahora encima de una loma, ahora en el fondo de un barranco, arriba, abajo...parecía que había diez cabras de monsieur Seguín en el monte.
          Es que Blanquette no le tenía miedo a nadie. Atravesaba de un salto grandes torrenteras que le salpicaban al pasar con vapores de agua fresca y de espuma. Luego toda empapada, iba a echarse encima de una  roca plana para secarse al sol...Una vez al acercarse al borde de una meseta, una flor de cíntia entre los dientes, divisó abajo, abajo del todo en el llano, la casa de monsieur Seguín, con su prado en la parte trasera. Eso le hizo reír hasta llorar.
             -¡Que pequeñito, dijo. ¿Como habré podido caber ahí?
             ¡Pobretica!, es que al verse a tanta altura, creía que era por lo menos tan grande como el mundo...
             En resumidas cuentas, todo eso fue una magnífica jornada para la cabra de monsieur Seguín. Hacia el medio día, al correr de derechas a izquierdas, se tropezó con un rebaño de gamuzas que estaban comiendose a bocados una lambrusca. Nuestra pequeña andariega con su tocado blanco causó sensación. Se le dio el mejor sitio en la lambrusca, y todos esos señores fueron muy galantes...Se dice también, -eso tiene que quedar entre nosotros, Gringoire,- que un  joven gamuzo de negro pelaje, tuvo la suerte de gustarle a Blanquette. Los dos enamorados se perdieron en el bosque una o dos horas, y si quieres saber mas, preguntaselo a los arroyos chismosas que corren invisibles entre el musgo.
              
              De pronto el viento se hizo mas fresco. La montaña se volvió violácea: Era la tarde...
             - ¡Tan pronto ya!, dijo la cabrita. Y se detuvo asombrada.
            Abajo los campos estaban bañados en la bruma. El prado de M. Seguín desaparecía en la niebla, y de la casita solo se veía el tejado con un poco de humo. Escuchó las campanitas de un rebaño que se volvía, y le entró tristeza en el alma...Un buho que volvía, la rozó con sus alas al pasar. Se sobresaltó...luego se oyó un ulular en el monte:
              -¡Huuuuuu! ¡Houuuuu!
             Se acordó del lobo; en todo el día la locuela no se había acordado...En ese preciso momento se oyó el sonido de un cuerno que venía del fondo del valle. Era el bueno de M. Seguín que intentaba un último esfuerzo.
            - ¡Huuuu! ¡Huuuuu!.... hacía el lobo.
            - ¡Vuelve! ¡Vuelve!...clamaba el cuerno.
           Blanquette tuvo ganas de volver; pero al acordarse de la estaca, la cuerda, la valla del prado, pensó que ahora ya no podía volver a llevar esa vida, y que era mejor no retornar.
              El cuerno dejó de sonar...
             La cabra oyó detrás de ella un ruido de hojarasca. Se volvió y vio en la sombra dos orejas cortas, completamente erguidas, y dos ojos que relucían...Era el lobo.
              
        Enorme, inmóvil, sentado en su trasero, estaba ahí observando a la cabrita blanca y saboreándola anticipadamente. Como sabía que se la comería, el lobo  no tenía ninguna prisa; solo cuando ella se volvió, se echó a reír maliciosamente.
              -¡Ja! ¡ja! ¡ja! ¡La cabrita de M. Seguín! Y se relamió el hocico con su lengua roja.
           Blanquette se sintió perdida... Por un momento al acordarse la historia de la vieja Renaude, que combatió toda la noche para ser devorada por la mañana, pensó que quizás valía mejor dejarse comer enseguida; pero luego se rehízo, se puso a la defensiva, la cabeza agachada y los cuernos para alante, como una valiente cabra de M Seguín que era...No esperaba matar al lobo -Las cabras no matan a los lobos- Pero solo quería ver si podía resistir tanto tiempo como la Renaude...
              Entonces, el monstruo se acercó, y los cuernecitos entraron en danza.
             ¡Ah, la valiente cabrita, con que buena gana combatía! Mas de diez veces, y no miento, Gringoire, obligó al lobo a retroceder para recuperar el aliento. En esas treguas de un minuto, la golosa cogía rapidamente una brizna de su querida hierba; luego volvía al combate con la boca llena...Esto duró toda la noche. De vez en cuando, la cabra de M. Seguín miraba las estrellas bailar en el cielo, diciéndose:
               ¡Oh! A ver si puedo aguantar hasta el alba...Una detrás de otra, las estrellas se apagaron. Blanquette redobló las cornadas, el lobo las dentelladas...Una luz pálida apareció en el horizonte ... El canto ronco de un gallo subió desde una granja.
           - ¡Por fin!, dijo el pobre animal, que solo esperaba el día para morir; y se echó por el suelo en su bella pellíz blanca toda manchada de sangre...
          Entonces el lobo se abalanzó sobre la cabrita y se la comió.

        ¡Adiós, Gringoire!      
         La historia que te he relatado no es un cuento inventado por  mí. Si algún día pasas por la Provenza, nuestros pastores te hablarán a menudo de la cabro de moussu Seguin, que se battégue touto la neui emé lou loup, e piei lou matin lou loup la mangé.
         
                       Me has oído bien, Gringoire:
                   E piei lou matin lou loup la mangé